Le drame actuel de la Tunisie c’est qu’elle a été gouvernée au cours des dix dernières années, tour à tour ou simultanément, par des hommes et des femmes politiques arrogants, opportunistes et incompétents ou des technocrates sans envergure, comme ceux qui composent l’actuel gouvernement, qui continuent de faire des ronds dans l’eau.
Par Imed Bahri
Quand on est en panne d’idées et qu’on est surtout incapable de mettre en œuvre les rares bonnes idées déjà exprimées, on fait quoi ? Et bien, on crée une nouvelle commission pour produire de nouvelles idées, qui resteront à leur tour dans les tiroirs. Question de brasser du vent, de gagner du temps soi-même pour rester à son poste et en faire perdre, ce faisant, à la nation tout entière.
C’est exactement ce que fait la cheffe du gouvernement, Najla Bouden, en annonçant, mercredi 6 juillet 2022, la création d’un Conseil national de développement industriel. A quoi va servir ce nouveau machin ?
Une foule de désœuvrés qui se tournent les pouces
L’agence Tap le définit comme un «mécanisme de suivi, d’évaluation, d’interaction et d’intervention instantanée pour l’accélération de la réalisation des projets en Tunisie qui ambitionne, actuellement, de porter ses exportations à 18 milliards en 2025.»
Soit, mais à quoi sert un gouvernement avec une armada de ministres, de chefs de cabinets, de conseillers, de directeurs généraux, de sous-directeurs, de chefs de services, et tuttu quanti, une foule de désœuvrés qui se tournent les pouces et se marchent sur les pieds les uns les autres, tout en coûtant la peau des fesses aux contribuables ? N’est-ce pas, justement, d’«accélérer la réalisation des projets», dont beaucoup sont programmés depuis l’ère de Ben Ali, mais notre chère administration publique est toujours incapable d’implémenter?
Mme Bouden a fait cette annonce mercredi 6 juillet 2022, à l’ouverture des travaux de la Conférence nationale sur la stratégie industrielle et d’innovation à l’horizon 2035, un autre conclave, qui s’ajoute à des milliers d’autres déjà organisés à grand renfort de publicité, de pauses café, de petits-fours, de déjeuners et de dîners à l’œil dans les grands hôtels. Que du vent !
La manie de repartir à chaque fois à zéro
«L’élaboration de cette stratégie constitue un pas important et on doit assurer le suivi de son exécution et sa bonne gouvernance, afin d’atteindre ses objectifs et promouvoir le site Tunisie comme pôle industriel», a expliqué Mme Bouden, qui croit ainsi réinventer la roue, sachant que des tonnes de rapports, d’études et de recommandations ont été déjà produites sur ce même sujet au cours des vingt dernières années, sans que personne dans les bureaux feutrés, climatisés l’été et chauffés l’hiver, ne ressente la nécessité ne fut-ce que d’entamer leur mise en œuvre.
On vous épargne la logorrhée habituelle de nos ministres sur l’«approche participative globale», «l’adaptation aux exigences du développement durable et aux mutations internationales», «les interventions de terrain», «les concertations avec les partenaires», «le dialogue aux plans national, régional et sectoriel», «la polarisation des investissements sur les chaînes de valeurs», «la concentration sur les secteurs à haute compétitivité et employabilité», «le renforcement du partenariat entre les secteurs privé et public», «l’adoption des systèmes de haute performance», et patati et patata.
Le problème avec nos décideurs c’est qu’ils ont tendance à repartir à chaque fois à zéro et se mettent à refaire des ronds dans l’eau, alors que ce qui leur manque le plus c’est la volonté, la détermination et le charisme nécessaires pour donner aux idées déjà exprimées sous formes de recommandations et de projets une traduction dans la réalité quotidienne des citoyens. Et cela, des technocrates sans envergure ne peuvent pas le faire.
Or, le drame de la Tunisie c’est qu’elle a été gouvernée au cours des dix dernières années, tour à tour ou simultanément, par des hommes et des femmes politiques alliant arrogance, opportunisme et incompétence ou des technocrates sans envergure, comme ceux qui composent l’actuel gouvernement, et qui ont été triés sur le volet par un président autocrate, non pas sur la base de leur potentiel leadership, car il n’en ont pas un gramme, mais sur celle de leur docilité et de leur soumission aux diktats, parfois humiliants, de M. Saïed.